Depuis 3-4 ans, Suunto me déçoit beaucoup par son manque d’innovations :
- Les évolutions entre les modèles Ambit, Ambit 2 et Ambit 3 ont été très limitées (y compris au niveau des mises à jour logicielles);
- Suunto s’obstine à s’appuyer sur les app(lication)s au lieu d’implémenter par défaut des fonctionnalités de base partout présentes (exemple type : le fractionné qui reste encore embryonnaire dans les fonctions de base de la montre);
- Movescount reste très en retard sur ses concurrents, notamment au niveau de la planification des entrainements et des interfaces avec d’autres outils de suivi d’entrainement;
- Cerise sur le gâteau, le nouveau modèle phare de la marque – la Spartan – ne permet plus d’utiliser les apps … sans pour autant les implémenter sous forme de fonctionnalités ! Incompréhensible.
Pendant ce temps, la concurrence a innové à marche forcée. Un tableau valant mieux qu’un long discours, voici un comparatif (en anglais, grâce au meilleur d’entre nous) des modèles les plus évolués actuellement sur le marché :
https://www.dcrainmaker.com/product-comparison-calculator?comparison=yes&ids=57146,25838,34445,66656
Le retard de Suunto en terme de fonctionnalités est patent…
Au rendez-vous mondial des geeks (le CES à Las Vegas), Suunto vient d’annoncer l’arrivée prochaine d’une version Spartan avec capteur optique de fréquence cardiaque … ce qui est la norme chez les concurrents depuis 2 ans. Pendant ce temps, Garmin annonçait sa Fenix 5 qui, entre autres nouveautés, embarque maintenant des cartes topographiques.
La situation de Suunto me rappelle celle de Polar il y a quelques années. Alors leader technologique du marché des cardiofréquencemètres, Polar avait totalement manqué le virage du GPS, frisant même le ridicule avec un modèle qui proposait un capteur GPS externe, lourd, à accrocher au bras. Polar ressort à peine la tête de l’eau… J’ai l’impression que l’histoire se répète avec Suunto.
Dommage, parce que les Suunto sont de très bonnes montres, fiables, robustes. Je suis enchanté de mon Ambit 2R, et je n’ai jamais eu le moindre problème avec. Mais pas sûr que mon prochain modèle soit encore une Suunto…
Suunto a toutefois profité du CES pour présenter une vraie nouveauté : Movesense. De quoi s’agit-t-il ?
Movesense n’est pas un produit destiné au grand public mais plutôt à d’autres sociétés ou à des informaticiens chevronnés. Movesense est tout d’abord un capteur électronique qui contient :
- un accéléromètre,
- un gyroscope,
- un compas magnétique,
- un capteur de température,
- un capteur de fréquence cardiaque (s’il est branché à la ceinture Suunto classique),
- une interface Bluetooth,
- une mémoire d’enregistrement de 128 Ko.
Il ne pèse que 10g, est étanche à 30 m, résistant aux chocs et alimenté par une pile bouton classique CR 2025. Plus de détails ici.
Avec ce capteur, Suunto propose aussi un environnement de développement qui permet de développer une application Androïd, Windows, iOS ou OS X utilisant les données du capteur. En tant que particulier (super compétent en informatique), rien ne vous interdit de développer votre propre application de suivi d’entrainements de la mort qui tue, celle dont vous avez toujours rêvé. En tant qu’entreprise, vous pouvez concevoir un package (application + Movesense + votre propre capteur) et en faire un produit à part entière. Suunto en donne deux exemples sur son site.
Au-delà de la performance industrielle de mettre autant de capteurs dans un si petit espace et un poids si faible, la fonctionnalité qui me semble la plus novatrice est le stockage des données des capteurs à l’intérieur du capteur même, ce qui ouvre de nouveaux horizons. Je m’explique…
Pour l’instant, la plupart d’entre nous partent courir avec une montre GPS et un téléphone. D’ailleurs c’est imposé dans la plupart des trails, par mesure de sécurité.
Les smartphones actuels ne peuvent pas remplacer une montre GPS pour une simple raison d’ergonomie : ils sont trop lourds et trop volumineux pour les porter au poignet (même sur le bras, ce n’est pas agréable). Il suffirait théoriquement de réduire leur taille mais vous perdriez alors l’ergonomie nécessaire aux autres usages : internet, mail, applications. D’ailleurs la tendance du marché des smartphones est plutôt vers un augmentation de la taille des écrans (les « phablets »).
A l’opposé du spectre, les montres GPS intègrent peu à peu des fonctionnalités jusqu’à présent réservées aux smartphones :
- la musique (présente sur les derniers modèles TomTom),
- la visualisation de cartes topographiques (présente sur la nouvelle Fenix 5).
Le mimétisme va même plus loin : les derniers modèles de montres ont un prix équivalent à celui d’un très bon smartphone. 🙂 Mais aucune chance que les montres GPS ne remplacent les smartphones, pour les raisons d’ergonomie citées plus haut. Avant une nouvelle percée technologique, il est donc probable que les deux coexistent pendant quelques années encore et que le marché continue à se chercher sur la bonne répartition des fonctions entre le smartphone et la montre (par exemple, je crois à l’arrivée prochaine d’une montre avec des capacités de téléphonie limitées, comme les premiers portables).
Avec Movesense, Suunto ajoute un troisième niveau : du couple « smartphone + montre » (architecture « 2-tiers » pour les informaticiens), on passe à un trio « smartphone + montre + capteur intelligent » (architecture « 3-tiers »). Dans une telle architecture, la montre peut être beaucoup plus simpliste et se limiter à des fonctionnalités de visualisation. La place et le poids gagnés peuvent être utilisés pour une meilleure batterie, réglant ainsi le problème d’autonomie des montres actuelles.
Pour le moment, Movesense n’intègre pas le GPS qui pose des problèmes de place, de poids et d’alimentation (je ne pense pas qu’une pile CR 2025 puisse alimenter une puce GPS pendant des mois). Pourtant cela me semble être l’évolution « normale » de Movesense.
Imaginez maintenant un Movesense équipé en plus de la fonction GPS. Avec ce « Movesense+ », vous pouvez courir dans 2 configurations :
- une configuration « 2 niveaux » (Smartphone + Movesense+) où vous partez avec votre smartphone dans une poche, laissant Movesense+ enregistrer vos données pour les récupérer tranquillement chez vous, à votre retour;
- une configuration « 3 niveaux » (Smartphone + Montre + Movesense+) : dans ce cas une montre simpliste, débarrassée de l’étage « capteurs » est suffisante pour afficher les données pendant votre course.
Même si Movesense me semble une vraie innovation, le risque à moyen/long terme pour Suunto me semble donc de passer d’un fabricant de montres à un fabricant de capteurs intelligents. Mais tant que la fonction GPS n’est pas intégrée dans Movesense, le risque est limité. A la place d’Apple, j’achèterais Suunto au lieu de reprendre les activités connectées de Nike 🙂