Je survole régulièrement différents blogs américains de course à pied (j’en profite pour recommander l’outil Feedly qui permet d’agréger le contenu de plusieurs sites Web). Il m’arrive d’y trouver des articles intéressants, notamment sur le site iRunFar.
Voici la traduction (un peu expurgée) d’un article récent que les anglophones peuvent lire en version originale ici : Joe Uhan’s Three C’s for Peak Performance. Comme on dit, cet article « m’a parlé » et m’a rappelé du vécu sur de précédentes courses.
L’auteur de cet article pratique depuis 20 ans le cross-country, d’abord comme coureur puis comme entraineur en lycée. Il a élaboré au travers de son expérience un mantra dédié aux coureurs : « Concentration, Confiance, Compétition ».
Concentration
Quoi ?
J’ai beaucoup hésité pour choisir un équivalent au mot anglais utilisé : « composure. » Il peut se traduire en français par calme, sang-froid, contenance (au sens de l’expression « ne pas perdre contenance »), flegme, impassibilité… Par ce terme l’auteur entend la capacité à rester insensible aux influences extérieures et à focaliser son attention de l’extérieur vers l’intérieur. J’ai choisi de le traduire par « concentration » pour utiliser un mot commençant par ‘C’.
Pourquoi ?
La concentration est la clé pour préserver son énergie. Être surexcité ou trop fortement influencé par des facteurs externes est un risque majeur en course (route ou trail). Il est très facile de se laisser emporter par la foule autour de soi et courir trop vite au départ (par exemple le 20 km de Bruxelles où beaucoup de coureurs se grillent dans les 5-10 premiers kilomètres) ou de se laisser manger par le stress généré par l’importance et la difficulté d’une épreuve (par l’exemple, l’UTPMA où j’ai dépensé beaucoup d’énergie avant même le départ).
Quelle que soit la course, lorsque nous sommes à court de concentration, nous avons tendance à brûler notre énergie de manière trop rapide. Sur le long terme, le meilleur coureur est souvent celui qui a su économiser ses ressources de la manière la plus judicieuse afin de préserver des forces pour la fin.
La science
Le cerveau considère une course comme un événement de combat / fuite. Dans de telles situations de survie, le cerveau ne s’intéresse pas à la conservation de l’énergie. En fait, il prend des mesures pour surcompenser, fournissant plus d’énergie qu’il n’est nécessaire pour assurer notre survie ultime : le cerveau préfère que nous nous échappions épuisés plutôt que de mourir avec des réserves d’énergie (pas idiot au demeurant…).
Au cours du premier tiers d’une course, la concentration est donc la clé. Nous devons nous focaliser sur l’effort et le rythme en faisant abstraction de l’environnement extérieur et ainsi économiser de l’énergie pour le restant de la course.
Confiance
Quoi ?
La confiance est notre croyance en notre capacité à atteindre un objectif, même quand il parait très incertain, voire inatteignable. La confiance en soi est le fondement d’une bonne performance en endurance, où nous courons longtemps, parfois à une intensité élevée.
Pourquoi ?
Quel que soit l’événement, la partie médiane de la course est toujours la plus difficile. Au début, nous avons des réserves d’énergie complètes et un corps en pleine possession de ses moyens; nous sommes prêts à nous battre ! À la fin de la course, même si c’est difficile, l’arrivée est proche et après tout il s’agit seulement de survivre en pensant à tout ce qui a déjà été fait. Mais au milieu ? Tout est incertain. Dans ces moments, nous devons avoir confiance en notre capacité à continuer malgré cette période d’incertitude.
C’est le moment de se repenser à son entraînement. L’auteur explique que
« L’entraînement, c’est convaincre son cerveau que ce que nous faisons est sans danger et que nous pouvons réussir. »
Le milieu de la course est le moment où la force mentale doit prendre le dessus pour continuer. La confiance est le pont qui relie les sommets de la performance de la course.
La science
Le cerveau ne se soucie pas de savoir si nous courons vite, ou finirons premiers ou centièmes. Son seul souci est de nous empêcher de mourir. Ainsi, au milieu de la course, le cerveau crée « artificiellement » de la fatigue pour nous forcer à nous arrêter. C’est un message interne du type : «Hé ! Si vous n’arrêtez pas de fumer, vous allez nous tuer ! ». Cependant, ce que le cerveau ne dit pas, c’est qu’il y a encore une grande marge entre le moment où la douleur et la fatigue s’installent et le moment où les tissus sont réellement endommagés.
Cette marge est l’endroit où la magie se produit. C’est là que nous pouvons supporter la douleur et la fatigue qui semblent au départ insurmontables. Mais il faut une immense confiance en soi pour continuer à avancer lorsque tous les signaux nous disent le contraire. La conviction (sinon la compréhension) que nous ne mourrons pas et que nous nous sommes parfaitement entraînés pour ce moment est un élément crucial de cette confiance. Croyez-le à l’entrainement et faites-le ensuite.
Compétition
Quoi ?
La compétition est réservée au dernier tiers de l’événement. À ce moment-là, il faut trouver quelqu’un ou quelque chose contre qui lutter : un groupe de coureurs devant, un dernier col, le chronomètre...
Pourquoi ?
La compétition, l’externalisation de la bataille de votre intérieur contre l’extérieur est un moyen infaillible d’accéder à vos réserves d’énergie restantes.
La science ?
Le point clé de la phase de compétition est que, dans le dernier tiers de la course, il est maintenant temps de se projeter vers l’extérieur. À cet instant, les signaux de douleur deviennent une torture implacable et le seul moyen d’y échapper – et le moyen le plus rapide d’arriver à la fin – est de, une fois pour toutes, sortir de nous-même et de nos souffrances personnelles, et de nous tourner vers la compétition. C’est le moment d’attaquer les talons du concurrent, et d’utiliser cette bataille individuelle pour se porter à l’arrivée.
La compétition, le dernier « C », tire parti de la Concentration et de la Confiance qui ont permis de conserver juste assez d’énergie pour atténuer les souffrances internes et alimenter l’attaque finale jusqu’à la ligne d’arrivée. Si un coureur peut transformer son agonie intérieure en agression extérieure, il désactive l’instinct de conservation et active sa capacité à attaquer. Cela libère des réserves d’énergie auparavant inconnues pour permettre d’atteindre l’arrivée plus rapidement. C’est de là que vient l’expression «aller au fond de soi-même».
Mais comme les dominos, l’exécution de l’un dépend du prédécesseur. Le processus de Concentration, Confiance, Compétition est la clé d’une bonne performance. Gardez ces trois C à l’esprit lors de vos entraînements et de vos courses et voyez jusqu’à quelle distance et à quelle vitesse ils vous mèneront.