Voici le premier article publié sous la rubrique « Psychologie ». Même pour un coureur du dimanche comme moi, le mental joue un rôle très important et je regrette que les magazines et livres dédiés à la course à pied n’y consacrent finalement qu’une très faible part.
Depuis l’année 2011, j’ai couru plus de 4.500 km et ai participé à différentes courses (sur route ou trails) d’une distance allant de 10 à 65 km. Au fil des années, j’ai constaté que je passais quasi-systématiquement par différentes phases psychologiques au cours d’un entrainement ou d’une course.
Phase 1 – « Le Doute »
Les jambes sont douloureuses, les articulations rouillées, la foulée lourde, le souffle court. J’ai l’impression de ne pas avancer, de ne pas avoir de rythme. Centré sur mon corps, je n’en perçois que les points douloureux et mon cerveau n’envoie que des messages négatifs : « pourquoi je ne suis pas resté au chaud à la maison ? », « et si je ne faisais que 3 tours au lieu des 5 que j’avais prévu ? », « est-ce vraiment une bonne idée de sortir alors que je me sens si mal ? »…
Cette phase dure en principe une bonne trentaine de minutes (5 à 8 km), le temps de trouver le rythme de croisière. Il est impossible d’y échapper, même en essayant de projeter des images mentales positives. Ce qui fonctionne le mieux est d’occuper l’esprit à autre chose : écouter de la musique ou parler avec un autre coureur.
Phase 2 – « L’Agressivité »
Si je n’arrive pas à trouver le rythme au bout d’une trentaine de minutes, les douleurs sont oubliées mais l’agressivité monte.Les sujets d’énervement sont variés : le coureur qui vient de faire une queue de poisson, la voiture qui vient de frôler d’un peu trop près, le coureur qui court un peu trop vite pour moi, un collègue, un membre de la famille, Nicolas Sarkozy… C’est le symptôme que je ne suis pas très bien physiquement. Mon frère – qui me connait bien – a appris à tolérer ma mauvaise humeur. D’ailleurs lors du dernier Marathon du Médoc, j’ai été victime de sa propre agressivité. Pour une fois, il était plus mal que moi 🙂
Cette phase n’est pas systématique, ne dure en principe pas très longtemps (quelques minutes). C’est juste un mauvais moment à passer. Le mieux est de s’amuser de la situation, sachant que c’est juste le symptôme que je vais passer une phase.
Phase 3 – « La Réflexion »
Brusquement je bascule dans la phase « intellectuelle » de la course. Je me mets à penser au travail, à organiser mes prochaines vacances ou à rédiger mon prochain article dans Ultramabouls. Cet article est d’ailleurs le fruit d’un entrainement de 18 km. 🙂 Si j’écoute de la musique, c’est d’une oreille distraite; si je suis accompagné, je ne parle quasiment plus. Dans cette phase, courir est automatique, « inconscient » et sans efforts. Le seul problème est que j’ai tendance à lever le pied pour prendre un rythme de course « pépère » qui n’est pas propice aux performances. Mais c’est une phase agréable de la course.
Phase 4 – « Le Somnambulisme »
Cette phase est encore plus agréable. Je perds le fil de mes pensées ou de la musique que j’écoute. Je me réveille de temps à autre découvrant que j’ai parcouru quelques kilomètres sans être capable de me souvenir à quoi j’ai bien pu penser dans l’intervalle. Même problème que la phase précédente : le rythme faiblit. Là encore, c’est une phase agréable de la course que je n’atteins que lors de sorties de plus de 15 km.
Phase 5 – « L’Euphorie »
Attention danger ! Cette phase est la plus agréable physiquement et mentalement mais est le signe que les choses vont mal se passer à court terme. Le symptôme est un bien-être intense et un optimisme béat : je ne cours plus, je vole. Je pensais faire 5 tours, j’ai envie d’en faire 2 ou 3 de plus. Il m’est même arrivé d’avoir les larmes au yeux : le paysage est magnifique et je vole. Le bonheur. En fait c’est un signal d’alerte : mes réserves de carburant sont à bout et il est urgent de s’alimenter et de lever le pied. Dans quelques minutes je n’avancerai plus.
Phase 6 – La « Souffrance »
C’est la fringale, c’est le mur du marathonien. Mes réserves énergétiques sont épuisées. Mon esprit est focalisé sur l’idée de boire un bon Coca-Cola, de manger un bon gâteau au chocolat ou une choucroute ou une magnifique entrecôte. Mes jambes me brûlent, je n’ai plus de jus et je veux m’arrêter. Continuer à courir est une souffrance. La seule chose à faire est de serrer les dents, de s’accrocher et de ne pas oublier que trottiner est tout de même plus rapide que marcher. Il faut juste espérer ne pas être trop loin de la maison. Sinon… Heureusement cet état n’est atteint que pour les sorties longues (> 30 km) et pas systématiquement.
Paradoxalement, atteindre cette phase est plutôt un bon signe. Chaque fois que j’ai subi une fringale sur une sortie, c’était le signe que j’avais passé un palier dans mon entrainement. Mes prochaines sorties seraient meilleures !
Phase 7 – La « Satisfaction »
C’est la phase après-course, après la douche, affalé sur le canapé. Je n’avais pas envie de partir, ça a été difficile mais finalement je l’ai fait !! Suite au prochain épisode…
Voici la synthèse des différentes phases telles que je les ai vécues sur les marathons :
Les informations sur la durée et la distance sont très approximatives et dépendent de très nombreux facteurs, notamment du niveau d’entrainement.
Le passage par la Phase 6 est heureusement rare et je le rencontre uniquement sur les sorties longues (supérieures à 30 km). La plupart du temps, je retombe simplement en phase 1.
J’ai aussi noté deux différences entre l’entrainement et la course :
- il existe une phase d’euphorie au début de la course : le stress du départ, le plaisir de doubler plein de concurrents, l’énergie qui se dégage de la foule… Cette phase d’euphorie est elle-aussi dangereuse puisqu’elle peut conduire à partir trop vite;
- sur les courses « courtes » (jusqu’à fin 20 km), je focalise ma réflexion (Phase 4) sur des objectifs à très court terme comme dépasser le coureur qui est devant moi, le tout pour éviter de perdre du rythme.
Conclusion
A titre personnel la prise de conscience de ces différentes phases m’aide à supporter les mauvais moments … et à me méfier des bons moments. Je ressentais les mêmes impressions lorsque je faisais du vélo et mon épouse m’a indiqué vivre les mêmes émotions en nageant.
A vous de voir si cela vous aide ! Comme d’habitude, tout commentaire est le bienvenu.