Échappée Belle Intégrale / J-125

Comme indiqué dans mon précédent article, l’Échappée Belle Intégrale est MON objectif 2021 et sans aucun doute le challenge le plus ambitieux de ma « carrière » de trailer (chose que j’avais dite avant la CCC), voire « trop ambitieux » par rapport à mes capacités (chose que je n’avais jamais dite jusqu’à présent, estimant avoir toujours choisi des objectifs réalistes).

J’ai prévu de partager ma préparation au travers de plusieurs articles. Le premier de la série est consacré à identifier les principales difficultés et voir comment j’ai prévu d’y remédier … ou pas.

La distance – 149 km

Jusqu’à présent je n’ai couru que 3 fois dans ma vie aux alentours des 100 km :

Il va donc falloir que je cours 50% de plus, sachant qu’à la fin d’aucune de ces trois courses je ne me serais senti capable de courir la moitié en plus 🙂

Comment me préparer ? Je mise sur deux points :

  • ma charge hebdomadaire d’entraînement,
  • des courses tests.

Depuis maintenant un an, ma charge hebdomadaire d’entraînement a varié entre 60 et 100 km (80 en moyenne). Dans les 18 semaines qui précédent la course, je vais essayer de faire 4 cycles de 100/120/140/80 km par semaine (3 semaines de montée en puissance + 1 semaine de repos) dédiant les 2 dernières semaines avant la course à randonner en montagne tout en m’entraînant légèrement les soirs. Cela m’avait plutôt réussi avant la CCC. Notons que j’inclus les kilomètres de randonnées dans mon comptage hebdomadaire de kilomètres. Pour la plupart des concurrents, un ultra-trail est une très longue randonnée faite avec un sac léger. 🙂

Au niveau des courses tests, c’est évidemment plus compliqué :

  • je suis en liste d’attente sur le Trail des Cisterciens le 1er Mai (il aura bien lieu) et je croise les doigts sans trop y croire;
  • le Grand Trail de St-Jacques devait avoir lieu le 5 Juin mais vient d’être reporté au 2 octobre. Je viens de « remplacer » cette course par une inscription à l’OHM Trail 80 km (en espérant qu’il ait lieu). Le trail le plus difficile de Belgique pour préparer l’ultra-trail le plus difficile de France, cela a du sens 🙂
  • Enfin, je me suis inscrit au 80 km de l’Ecotrail de Paris le 3 Juillet. Rien à voir en terme de difficulté mais c’est mieux que rien. Si cette course ne me sera pas super utile en terme de préparation physique (le dénivelé est trop faible), j’espère y faire un bon temps pour tester mon niveau et y emmagasiner de la confiance. Je vais donc la courir au maximum de mes capacités.

Et sinon ? Peut-être que j’essaierai de courir une à deux fois cette distance à l’entraînement. Rien de certain, courir 100 km à l’entraînement, en autonomie totale, n’est pas évident. Peut-être ferai-je deux fois d’affilée le Tour de Bruxelles ? Pas folichon mais logistiquement pratique puisque le trajet passe à côté de nombreux supermarchés ou stations services où il est possible de se ravitailler. Si je peux voyager en France librement, j’irai peut-être aussi courir le circuit des 25 bosses en forêt de Fontainebleau, un parcours très exigeant. Je l’ai fait en randonnant l’année dernière et j’ai fini sur les rotules.

La durée – Plus de 48 heures

Encore pire que la distance : la durée. La barrière horaire est de 54 heures et, vu mon niveau, je vais courir en plus de 48 heures, 2 fois plus  longtemps que la CCC ou l’UTPMA. Le départ ayant lieu à 6h00, cela représente 2 nuits complètes à passer en montagne. Là encore je rentre dans l’inconnu. Je ne vais pas tenter d’habituer mon corps à la privation de sommeil tel un marin au long court. Je ne réussirais qu’à me fatiguer et je ne veux surtout pas me priver du plaisir de connaître les fameuses hallucinations dont sont souvent victimes les trailers sur les durées supérieures à 24h. 🙂 J’aviserai donc sur place. Tout au plus ferai-je quelques sorties longues de nuit.

Le dénivelé – 11.400 m D+ (15 cols)

C’est à cet instant que je me dis que je suis fou : il va falloir encaisser 2 fois le dénivelé de l’UTPMA ou de la CCC avec seulement 50% de distance en plus !

Même avec la meilleure volonté du monde il est quasi-impossible de s’entraîner correctement pour un tel dénivelé en Belgique, à Bruxelles en particulier. Mon record historique à Bruxelles est de 6.300 m D+ … en un mois. Alors je vais jouer sur les paramètres suivants :

  • m’entraîner autant que raisonnable (pour éviter la blessure) à faire du dénivelé autour de chez moi en suivant les conseils de Maître François, à savoir corser mes montées avec des squats en haut des côtes;
  • faire au moins une sortie longue (>50 km) par mois dans les Ardennes belges;
  • faire un séjour de 1 semaine de randonnée en autonomie dans les Pyrénées en Juillet;
  • arriver dans les Alpes 2 semaines avant la course et y randonner à nouveau;
  • faire du renforcement musculaire quotidien, principalement au niveau des cuisses (squats) et de la ceinture abdominale (planche).

L’altitude

Comme si le dénivelé ne suffisait pas à mon bonheur de trailer, il faudra aussi me taper plus de 40 km à plus de 2.000 m.

Vu que je n’ai ni les moyens de m’acheter une tente hypoxique, ni l’envie de payer pour y accéder (je trouve que c’est à la frontière du dopage pour un amateur) et que je ne veux pas paniquer mes voisins en portant un masque hypoxique, mon acclimatation à l’altitude se fera donc uniquement « à l’ancienne », grâce aux 2 semaines sur place prévues avant la course. Bizarrement (et peut-être à tort), cela ne m’effraie pas trop. J’ai déjà couru et randonné à ces altitudes et n’ai jamais ressenti de malaise. Ne perdons pas de vue que la majeure partie du temps je marcherai.

Je ne sais pas encore à quel endroit des Alpes je ferai mes deux semaines de préparation. Même si ce serait sans doute la chose intelligente à faire, je n’ai pas envie de reconnaître le parcours à l’avance. C’est idiot mais j’aurais un peu l’impression de tricher. 🙂 Je pense que j’irai du côté de Serre Chevalier / Briançon où je trouverai des terrains caillouteux un peu plus proches des conditions de course. A moins que je retourne pour la 3ème année de suite à Chamonix, c’est tellement beau…

Le terrain

C’est LE point qui m’inquiète le plus : alors que la CCC était plutôt « roulante » avec des sentiers de bonne qualité, l’Échappée Belle est réputée pour la difficulté et la technicité de son parcours, avec énormément de cailloux. Autour de chez moi je n’ai pas accès à des sentiers techniques de ce type (ni dans les Ardennes belges d’ailleurs).

Faute de mieux, je me contente de faire des exercice de proprioception à la maison sur un plateau et de m’entraîner en descente pour améliorer ma technique et ma confiance. Pour cela j’ai choisi une descente en sous-bois près de chez moi que je cours aussi rapidement que possible. Le fait de connaître le terrain me donne confiance, me permet de me relaxer et me concentrer beaucoup plus sur ma foulée. Ma vitesse augmente … et je gagne en confiance. Un cercle vertueux qui m’a permis de progresser. Même François D’Haene m’a dit que je ne descendais pas si mal que çà 🙂

La chaleur

Il fait souvent très chaud. Que voulez-vous que je vous dise ? On verra sur place… Le risque est de se déshydrater alors je ne vais pas lésiner sur l’eau, rien de pire que se retrouver à sec. Mais j’y reviendrai dans un prochain article consacré à l’équipement et l’alimentation.

Le mental

Comme toujours sur un ultra-trail, le mental est la clef à condition d’échapper aux blessures. Je passerai par des moments où j’aurais envie d’abandonner et il faudra tenir.

Ma préparation psychologique se focalise sur les points suivants :

  • bien m’imprégner du parcours en lisant le road-book, en regardant la carte IGN du parcours et en regardant les vidéos d’anciens concurrents (un peu désespérant, il y a beaucoup d’expériences d’abandons);
  • partir dans l’idée que je vais enchaîner deux UTPMA et découper le parcours en « morceaux d’UTPMA ». Pourquoi l’UTPMA ? A cause de la difficulté des chemins. Ce découpage me permet de calculer par analogie mon tableau de marche et, en course, m’aidera à tenir psychologiquement. Il est plus facile de me dire « il me reste l’ascension du Plomb du Cantal à faire » parce que je l’ai déjà faite plutôt que de se dire « il me reste 8km à 12% de D+ en moyenne« , ce qui est plus nébuleux. C’est très efficace (pour moi) et, dans les moments vraiment difficiles, il m’arrive de recourir mentalement des parcours passés, à l’entraînement ou en course;
  • tout planifier longtemps à l’avance : la matériel, l’alimentation, le tableau de marche espéré, le contenu des sacs de ravitaillement, tout doit être planifié à l’avance. La fatigue nuit à la lucidité et l’incertitude vide psychologiquement. Je pense même écrire précisément sur un carton les étapes de chaque « gros » ravitaillement où je pourrai me restaurer, me changer et recharger ma montre et mon téléphone. Ne pas avoir cette check-list fait perdre bêtement du temps. Sur le dernier gros ravitaillement de la CCC, j’errais comme une poule sans tête, commençant à manger puis à me changer, puis remanger… pour finir par oublier de recharger ma montre. Grrr…
  • positiver : je me laisse jusqu’à fin Mai pour préparer tous les aspects logistiques avec l’approche « qu’est-ce qui peut merder et qu’est ce que je fais pour l’éviter ? » (cet article en fait partie). Le problème est qu’à force de ressasser tout ce qui peut mal se passer, le moral en prend un coup et la peur de l’échec monte. A partir de début Juin, je veux donc me concentrer uniquement sur des images positives et passer de la peur de courir à l’envie de courir. Je ferai ça à grand renfort de photos, de vidéos de montagne; je me projetterai mentalement sur le parcours en imaginant que tout se passe bien. Mes deux séjours en montagne et – je l’espère – un bon résultat à mes deux courses de préparation devraient m’aider à développer un état d’esprit positif.

Les blessures

Par expérience, j’ai trois points sensibles sur les trails montagneux :

  • les chevilles : je travaille sur la proprioception et ma technique de descente comme expliqué précédemment;
  • les cuisses et les lombaires : exercices quasi-quotidiens de renforcement (squats, planche) et de souplesse;
  • les ampoules au pied : je tanne mes pieds chaque soir pour renforcer la peau et je vais acheter des semelles anti-dérapantes SIDAS.

A l’entraînement je suis très attentif aux douleurs et à la première alerte, je lève le pied. Par expérience les « kilomètres en trop » pèsent beaucoup plus en course que les « kilomètres en moins. »

Pendant la course, la technicité du terrain (racines, pierres) rend les chutes, et donc les risques de blessures, très probables. Il faudra donc rester lucide et concentré en permanence. La fatigue psychologique de la course est un élément important à prendre en compte.

Conclusion

Oui, terminer l’Échappée Belle est un énorme challenge mais c’est l’année idéale pour le réussir :

  • je suis dans une forme olympique et j’ai une année d’entraînement « sérieux » derrière moi;
  • je ne souffre d’aucune blessure;
  • j’ai l’expérience de plusieurs ultra-trails;
  • je passerai beaucoup plus de temps à marcher qu’à courir.

Alors j’y crois, et espérons que cette fichue Covid-19 ne viendra pas tout chambouler !

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