Ça y est, je suis finisher de l’UTPMA (depuis 1 semaine) mais que c’était dur ! Je termine 261ème (33ème de ma catégorie d’âge), en 22h22’40. Je suis donc censé exulter selon mes prévisions faites 5 jours avant la course.
Sur les 660 partants, seulement 437 coureurs ont rejoint l’arrivée. 1/3 d’abandon, c’est dire la difficulté de la course qui s’est pourtant déroulée sous des conditions météorologiques idéales : pas de vent, pas de pluie, pas de chaleur. Notre compatriote Thierry Breuil (qui avait aussi couru le Trail de la Côte d’Opale en Septembre) termine quant à lui 6ème en 14h06’24. Il aurait presque pu boucler 2 tours alors que je n’en bouclais qu’un seul 🙂
Point amusant : je termine 1er Belge … sur 1 seul participant Belge … tout en étant Français. J’aimerais bien que les organisateurs de courses ne confondent plus nationalité et pays de résidence. Vous pouvez trouver plein d’autres d’informations intéressantes sur le site https://utpma.livetrail.net/ qui permettait de suivre « en temps réel » la course, y compris avec une app pour smartphones. Vraiment bien fait, j’espère que son usage se généralisera à de nombreuses courses.
De toute ma vie, je ne pense pas avoir fait un effort physique aussi intense. Moralement, je suis passé par plein de sensations différentes, me sentant capable de finir l’UTMB pour décider 20 km plus loin d’arrêter définitivement la course à pied. Pour résumer : un ultra-trail 🙂
Pour décrire mes émotions, je m’appuie sur la terminologie de la roue des émotions de Robert Plutchik qui m’a semblé bien adaptée pour décrire ce que j’ai ressenti. Un peu de culture ne fait de mal à personne, merci Ultramabouls. 🙂
J-4 à J-2 avant la course, l’appréhension
Ma femme, mon fils et moi quittons Bruxelles mardi après-midi pour passer le mercredi en famille à Paris. L’objectif est de couper le long trajet (900 km) en deux parties et de me détendre un peu au passage. Mission à moitié réussie : mon oncle, qui connait bien la région d’Aurillac, me qualifie de « fou » quand il voit le parcours. Pas fait pour me rassurer…
Le lendemain, nous faisons route jusqu’à un petit village à 15 mn en voiture d’Aurillac : Tessières-les-Bouliès. Nous y avons loué un chalet par AirBnB, le gite de la Roque. Parfait de bout en bout, je recommande (sauf au moment de l’UTPMA si je décide de le recourir un jour :-))
Le soir, l’auberge au centre du village ouvre exceptionnellement pour nous (si, si, incroyable) et nous mangeons très bien pour 45 Euros pour 3 (foie gras, brochettes, dessert et un verre de vin). Le patron / cuisinier / serveur est aux petits soins pour nous. Là encore, une adresse que je recommande chaudement.
J-1 avant la course, la peur
Commençons par un point négatif concernant l’organisation : le planning de la journée est très mal fait. Le voici :
- Retrait des dossards : 10h à 20h
- Dépôt des sacs en base vie : 16h à 22h30
- Briefing : 18h
Sachant que la course démarre à 00h01, vous êtes condamné à errer autour du parcours à partir de 18h00 si vous ne logez pas à proximité. Personnellement, je choisis d’aller chercher mon dossard le matin, de sauter le briefing et d’arriver juste avant la fermeture pour la remise des sacs. Dans les faits, il semblait encore possible de récupérer son dossard et de déposer son sac bien après 22h30. J’aurais pu rester une heure de plus tranquille au chalet. Râlant…
Le samedi matin, il pleut des cordes quand je vais chercher mon dossard vers 11h00 du matin. J’ai mal dormi et me suis réveillé très tôt, vers 5h du matin. A midi, nous mangeons dans un restaurant qui n’est pas à la hauteur de celui de la veille. On me sert une andouillette trop cuite accompagnée de frites trop grasses et cela finit de me gâcher le moral. 🙁
L’après-midi, ma femme et mon fils partent randonner pour me laisser faire une sieste. Peine perdue, je ne dors pas du tout. La tension ne fait que monter. Je suis toujours stressé avant une course mais cette fois-ci, c’est le summum. Je pense que je serais joyeux si la course était annulée au dernier moment et j’ai une furieuse envie de rentrer chez moi.
Après un bon plat de pâtes, nous reprenons le chemin d’Aurillac vers 21h15 pour déposer mon sac en base vie, sac que je retrouverai au ravitaillement du Lioran le lendemain à mi-parcours. J’essaye ensuite de dormir un peu dans la voiture avant de rejoindre la ligne de départ vers 23h30. L’accès au sas se fait après contrôle du sac pour s’assurer de la présence de la couverture de survie, du sifflet, de la veste Gore-Tex et d’une réserve d’eau. Une croix rouge est inscrite sur le dossard, croix qui sera contrôlée au premier ravitaillement. On sent que ce n’est pas de la rigolade. Je regarde les concurrents autour de moi et je vois que je ne suis plus tout à fait dans la même dimension que mes courses habituelles : pas de petit gros bedonnant mais uniquement des personnes affutées. Beaucoup ont le masque, les rares rires sont nerveux. J’ai quant à moi le regard d’une vache que l’on conduit à l’abattoir. Le speaker demande une lampe de rechange pour un trailer qui a oublié la sienne. Je fais comme si je n’avais rien entendu alors que j’ai deux lampes dans mon sac. J’en aurai peut-être besoin et franchement cela ne fait pas très sérieux d’oublier sa frontale…
23h45 : petit feu d’artifice puis musique rock. Bon point pour l’organisation : ils ne se sentent pas obligés de copier l’UTMB en diffusant du Vangelis. 🙂 L’attente est interminable, les minutes durent des heures. A 00h01, les fauves sont enfin lâchés.
Jour J, la course
Voici la trace GPX du parcours :
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Tronçon n°1 : Aurillac – Lavernière Velzic 17,3 km – 669 m D+, l’acceptation
Tout mon stress disparait miraculeusement au moment du départ. Je me fais une raison, je sais que je vais souffrir mais je l’accepte. Beaucoup de monde au départ pour applaudir (et ce sera le cas sur l’ensemble du parcours), on se sent (un peu) un héros. 500 m de plat pour se lancer et les affaires sérieuses commencent avec une côte sèche qui étire immédiatement le peloton. On passe rapidement sur des sentiers. Cette première partie de course est très agréable : la température est douce, le peloton des coureurs dessine un ligne lumineuse le long des pentes et nous croisons quelques vaches de Salers qui nous regardent passer en ruminant, d’un air placide, peut-être en se demandant qui sont ces étranges animaux qui courent pendant la nuit.
Ce premier tronçon ne présente pas de vraies difficultés : les sentiers sont de bonne qualité, souvent sur herbe. 2 descentes un peu raides et boueuses mais rien de bien méchant. Ça ne va pas durer… J’arrive au premier ravitaillement au bout de 2h08, sans problème.
Les bénévoles sont tous habillés à la mode disco avec des perruques de couleur. Sympa 🙂 Le buffet est à la hauteur : soupe, saucisson, Cantal, TUCs, cake, chocolat, fruits secs… Tout ce qu’un trailer affamé peut réclamer. Je grignote, remplis ma réserve d’eau (mon frère m’a conseillé de bien m’hydrater), je sors mes bâtons du sac et je repars. Il fait encore nuit.
Tronçon n°2 : Lavernière Velzic – Col du Pertus – 16,6 km – 1.096 m D+, la confiance
Les choses sérieuses commencent 300m après le ravitaillement : un côte bien raide. Je n’avais jamais couru avec des bâtons et je ne regrette pas mon achat : c’est génial. Après ce raidillon, la pente s’adoucit et on monte, on monte pendant des kilomètres. Magnifique impression de voir devant et derrière le sentier lumineux créé par les frontales des coureurs qui serpente sur les montagnes. Deux descentes bien raides et boueuses au passage suivies d’un sentier escarpé et très pierreux sur la crête avant de rejoindre le sommet de l’Elancèze (1.571 m). Les premières lueurs du jour apparaissent. Je me sens bien, la confiance me gagne. La descente sur le Col du Pertus est abrupte, glissante. Au ravitaillement, 2 coureurs sont déjà allongés dans la tente médicale. Petit arrêt pour recharger mon bidon et je repars.
Tronçon n°3 : Col du Pertus – Le Lioran – 19,2 km – 1.054 m D+, la sérénité
Le début est facile, au milieu d’une forêt de sapins bucolique. Les 8 premiers kilomètres sont vallonnés suivi d’une descente sur le village des Gardes où un contrôle et un ravitaillement en eau sont prévus. Une dame me signale gentiment que j’ai oublié d’éteindre ma frontale. J’en profite pour la ranger dans mon sac.Un peu plus loin un participant s’est allongé sur la terrasse d’une maison pour piquer un petit somme. Amusant…
Nous entamons alors la montée (raide) vers le sommet de la course (et le 2ème plus haut sommet d’Auvergne) : le Plomb du Cantal (1.885 m). J’en profite pour prendre quelques photos. On aperçoit au loin le Puy Mary où nous passerons plus tard en venant des crêtes par la droite :
Nous progressons à un bon rythme, en file indienne sur un sentier très agréable, environnés de fleurs et de genêts :
Au sommet de la petite butte, nous arrivons au pied de la première grosse difficulté de la journée : le Arpon du Diable. 5 km et 720 m D+ (un bon 15 %) avec interdiction d’utiliser les bâtons. Je le monte à petits pas, à mon rythme et lâche 2/3 concurrents au passage. Le paysage est magnifique.
Arrivé au sommet du Arpon, le brouillard s’est malheureusement levé.
On suit la crête du volcan (avec du vide de chaque côté) pour rejoindre sans difficulté le sommet du Plomb du Cantal où le monsieur sur la photo me prend en photo avec 2 compagnons de lutte que je ne reverrai plus ensuite.
J’entame la descente sur la station de ski du Lioran que l’on aperçoit en contrebas.
La descente est raide mais le chemin est de bonne qualité, quoiqu’un peu étroit. Sur une faute d’inattention je me tords violemment la cheville droite mais heureusement la douleur s’estompe au bout de quelques minutes. J’ai eu peur…
Après une dernière descente raide sur une piste de ski, j’arrive à la station du Lioran où je récupère mon sac. Je suis bien plus rapide que mes prévisions les plus optimistes : 9h37 contre 11h00 estimées au mieux. Tout va bien. Je me restaure, bois un café, me masse à la gaulthérie. Je commence à avoir de grosses ampoules sous les pieds et mes chaussures sont mouillées. Je change donc de chaussettes et de chaussures. Je suis parti avec les New Balance qui me tiennent mieux le pied et je voulais me sentir rassuré pendant la nuit. Mais elles n’accrochent pas très bien sur terrain boueux et je décide de repartir en Akasha.
L’intermède est très agréable, le soleil brille et chauffe. Plusieurs coureurs sont allongés dans l’herbe et profitent de l’instant. Je passe un coup de fil à mes supporters et je repars, le moral gonflé à bloc : déjà la moitié du parcours, en moins de 10h, les doigts dans le nez. Seul point noir : j’ai beaucoup de difficulté en descente. J’ai monté le Plomb du Cantal (5,3 km – 695 m de D+) à une moyenne de 6,5 km/h alors que je l’ai descendu (5,4 km – 573 m de D-) à 5,44 km/h de moyenne. Je dois être un des rares trailers au monde qui monte plus vite qu’il ne descend. Tragique…
Tronçon n°4 : Le Lioran – Pas de Peyrol – 10,8 km – 932 m D+, la joie et l’extase
Repartir avec les pieds au sec, c’est le bonheur. Nous commençons par une piste de ski et les coureurs devant moi foncent têtes baissées. Coup de bol : mon œil se porte sur un chemin à droite et je m’aperçois que le parcours passe par là. Je crie pour alerter le coureur devant moi qui fait demi-tour mais les autres sont déjà hors de vue. Comme je ne suis pas dans un jour sympa, je ne cours pas pour aller les chercher, la pente est vraiment trop raide. Nous redescendons immédiatement tout ce que nous venons de monter (voire plus) pour attaquer la montée sur le Bec de l’Aigle (1.700 m). Un mur de près de 20% : 440 m en 2,3 km.
Le parcours suit ensuite la ligne de crête en passant par plusieurs sommets aux noms poétiques : le Téton de Vénus (1.669 m), le Puy Bataillouse (1.683 m). Les sentiers sont de difficulté très variables : parfois très roulants, souvent pierreux ou boueux, avec même deux (modestes) échelles à descendre. Ma moyenne s’en ressent. Le panorama est superbe avec le Puy Mary en point de mire :
Je prends un pied pas possible à trottiner dans ce paysage magnifique, je me sens super bien … et ça me fait un peu peur. Je sais de longue date que l’euphorie précède souvent les grosses difficultés. J’arrive au pied de la Brèche de Roland (pas celle des Pyrénées :-)) qui est un petit morceau d’escalade à réaliser avec l’aide d’une corde (dont je ne me sers pas) :
avant d’escalader le Puy Mary (1.783 m), une nouvelle fois sans bâtons. 160 m D+ en 800m, un bon 20% :
avec la route vers Mandailles en contrebas :
Au sommet le brouillard est à nouveau présent et on ne peut pas profiter du paysage. On descend alors jusqu’au col (le Pas de Peyrol) par un escalier en ciment très désagréable : marches hautes et très larges. Difficile d’y trouver son rythme.
Arrivé au ravitaillement, mauvaise surprise : pas d’eau plate mais uniquement de l’eau gazeuse et presque rien à manger. Je ne m’attarde pas, heureusement que j’ai des réserves de nourriture.
Je ne le sais pas encore mais mes problèmes commencent. A cet instant j’ai couru 64 km en 12h40, il m’en reste donc un peu plus de 45 à couvrir.
Tronçon n°5 : Pas de Peyrol – Mandailles – 8,7 km – 334 m D+, le dégoût
Nous redescendons le long de la départementale puis plongeons sur la gauche sur un sentier horrible : eau, boue, cailloux, herbe glissante, racines. Je tombe et me tords plusieurs fois la cheville, je m’explose le coude gauche. Cette partie difficile me semble durer une éternité alors qu’elle ne représente que 1,8 km et un faible dénivelé. On atteint une route où je profite d’un ravitaillement du Marathon de la Jordanne (une des courses de l’UTPMA) avant de monter un peu plus facilement jusqu’au sommet du Puy Chavaroche (1.739 m) :
Contrairement à la tradition, je ne dépose pas un caillou sur l’homme de pierre pour marquer mon passage et la malédiction va me frapper. La descente sur Mandailles est horrible pour moi. Le chemin est trop raviné, boueux, caillouteux pour que je puisse courir. Je marche et arrive encore à me tordre plusieurs fois la cheville. Des concurrents me dépassent en courant comme des cabris, je me sens idiot, trouillard, incapable. Je me mets à détester être là alors que 10 km avant j’aurais pleuré de joie…
J’arrive à Mandailles après plus d’une heure de souffrance. J’ai mal lacé mes chaussures (j’y reviens plus tard), mes pieds mouillés ont beaucoup frotté et mes ampoules me font souffrir. J’ai le plaisir de retrouver ma femme et mon fils qui m’ont attendu un peu avant le ravitaillement mais je suis vraiment dégoûté par les derniers kilomètres. Je me rappelle que mon frère avait abandonné ici 4 ans plus tôt (dans des conditions météo bien plus difficiles, sous une grosse chaleur) et je le comprends.
Je prends le temps de bien manger et je repars sans enthousiasme. A aucun moment je n’ai envisagé d’arrêter mais le moral et le physique en ont pris un sacré coup. Je me dis qu’il ne me reste qu’une seule grosse difficulté à franchir et que la fin du parcours est plus roulante alors je serre les dents.
Tronçon n°6 : Mandailles – Lascelles – 15,8 km – 760 m D+, l’aversion
Ce tronçon est assez facile à résumer : une montée super dure jusqu’à Cabrespine (1.464 m), du niveau du Bec de l’Aigle et une descente de merde, comme le Puy Chavaroche. Seul « bon côté » : un passage de 2 km sur le plateau assez agréable avec de vrais chemins à la mode « Forêt de Soignes » :
Au bas de la descente, nous suivons la vallée de la Jordanne en passant plusieurs fois d’une rive à l’autre par des ponts de bois. Le paysage est sympa, j’apprécierais en d’autres circonstances mais je suis vraiment dégoûté par cette nouvelle descente et je me traine, les cuisses dures et le dessous des pieds en feu. Je prends quelques photos au passage, sans conviction :
J’arrive enfin au ravitaillement de Lascelles où j’en profite pour bien me restaurer. Un des coureurs est assis, le regard vide, l’air épuisé et se lamente « J’en peux plus, je sais que je dois manger mais je ne peux pas, il n’y a rien qui rentre. » Finalement, je ne suis pas si mal que ça 🙂
Tronçon n°7 : Lascelles – Saint-Simon – 13,2 km – 475 m D+, la colère et la rage
Le parcours suit la Jordanne sur un terrain plat et longe le lac des Graves. Cool, ça sent la fin, le moral remonte. Et soudain, un virage à gauche et une horreur : un nouveau mur à grimper en forêt. Nous voila reparti sur le diptyque favori de l’UTPMA : montée à plat-ventre et descente de merde. Un de mes compagnons pète un câble et s’écrie « Putain, y en a marre de leurs sentiers de merde. » Rires nerveux des autres et réponse laconique du philosophe de la bande « Ben oui, c’est la joie du trail. » Je passe les kilomètres suivants à me dire que plus jamais je ne courrai un ultra-trail, que c’est vraiment un parcours de tarés, sans aucun intérêt, que j’en ai plein les bottes, que je suis vraiment trop con de ‘être lancé dans un truc comme ça… En gros je déprime sec. Bizarrement la dernière côte me fait remonter le moral : une bonne partie en goudron suivie d’un descente presque courable et je reviens dans un état à peu près normal à mon arrivée au dernier ravitaillement de Saint-Simon.
Tronçon n°8 : Saint-Simon – Aurillac 7,6 km – 153 m D+, la sérénité
Sur place, un dialogue savoureux entre un coureur et une bénévole :
- Combien de kilomètres il reste jusqu’à Aurillac ?
- Oh, à peu près 7, 7,5…
- 7 ou 7,5 ???? Parce que dans notre état, 500 m ça compte !
Et là, le miracle de la journée. La Sainte protectrice des trailers descend sur Terre (le ravitaillement a lieu au pied d’un église) et nous explique gentiment, 2 fois de suite, qu’il ne reste qu’une côte douce de 1,2 km suivi d’une descente et d’une portion de plat. Ensuite un bon raidillon de 300 m avant une descente sur Aurillac avec beaucoup de goudron.
Je me sens transfiguré, je sais que je vais finir et, cerise sur le gâteau, en moins de 23h. J’avertis ma femme qu’elle peut venir m’attendre à l’arrivée. Les derniers kilomètres se passent bien, je fais même quelques expériences scientifiques sur mon corps endolori : je me rends compte que j’ai moins mal aux cuisses en allongeant la foulée et que du coup j’accélère. Si je n’avais pas mal aux pieds, ce serait top. La nuit commence à tomber, je ressors ma frontale pour les derniers passages en sous-bois accompagné d’un coureur un peu trop optimiste qui avait abandonné la sienne au Lioran.
Je me sens tellement bien que je commence à me demander ce que je dirai au speaker sur la ligne d’arrivée s’il décide de m’interviewer. Je ne veux pas rester quasi muet cette fois-ci, comme je l’avais fait au Radicassant l’année dernière. Je décide alors de répondre avec un fort accent belge et commence à m’entrainer en conséquence. Rétrospectivement je me demande si j’avais toute ma santé mentale 🙂
Je finis seul. A l’arrivée, je cherche du regard ma femme et mon fils sur les côtés. Râté : ils ont réussi à s’incruster sur la route et je les vois uniquement une fois la ligne d’arrivée franchie. Je récupère mon maillot de finisher (très confortable), pas de médaille malheureusement. Quant au speaker il préfère s’intéresser à la dame qui arrive derrière moi. Fin d’une carrière de comique…
Je suis heureux d’en avoir fini, mes cuisses sont deux bouts de bois, mes pieds brûlent. Je n’ai qu’une seule envie : prendre une douche et me coucher. Ma femme nous ramène au chalet. Je grelotte jusqu’à me retrouver sous une bonne douche chaude.
I am a Finisher !! Au total : 109,2 km et 5.473 m de D+ (selon l’organisation).
L’organisation
Le fléchage était réellement parfait, à base de petits drapeaux jaunes (en bois et papier) de 30/40 cm de haut plantés dans le sol. Les grands changements de direction étaient indiqués par de gros panneaux carrés jaune. C’est le premier grand trail où je ne me perds pas au moins une fois (même si je ne suis pas passé loin à la sortie du Lioran).
Les ravitaillements étaient copieux, tant en quantité qu’en qualité (en dehors de celui du Pas de Peyrol). Merci au plus de 500 bénévoles qui ont rendu cela possible. Merci aussi au public qui nous applaudissait, aux particuliers qui avait monté un stand de ravitaillement impromptu. Une ambiance Tour de France, le Cantalou est vraiment accueillant.
Quant aux paysages, mes photos ne rendent pas assez hommage à la magie des lieux, surtout entre 40 (pied du Plomb du Cantal) et 70 km (pied du Puy Chavaroche).
Le matériel
Ma frontale est parfaite : légère, tenant bien sur la tête et éclairant super bien. La batterie était tout de même fatiguée sur la fin et je n’aurais sans doute pas passé une seconde nuit avec. Cela m’a étonné. Peut-être l’ai-je mal configurée avant le départ et n’ai pas utilisé comme je l’aurais dû la fonction de lumière adaptative. J’étais rarement seul pendant la nuit et ai largement profité de l’éclairage de mes voisins.
Ma montre a tenu la distance, je finis avec 35 % de batterie avec un enregistrement GPS par minute. J’y perds en précision mais ce n’est pas grave.
Mon sac est léger et confortable, je ne l’ai pas senti et, pour la première fois, je finis sans aucune brulure au bas du dos ou sur les épaules. Seul reproche : les poches du bas du sac sont très peu accessibles.
Première expérience de course avec des bâtons. J’ai acheté ce qui se fait de mieux (des Léki Micro Trail Pro) et ils étaient parfaits : légers, solides, très facile à plier/déplier.
Côté chaussures, j’ai merdé. J’avais mes deux paires de trail habituelles avec moi : les New Balance et les Akasha.
Les New Balance sont un peu pataudes, mal aérées, mais tiennent bien le pied et sont confortables. Pour sécuriser ma cheville, j’ai décidé de partir avec pour courir pendant la nuit. Bêtement je ne les ai pas lacées correctement et j’ai attrapé des ampoules suite aux frottements de mes pieds dans les descentes abruptes. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi je n’ai pas eu l’intelligence de m’arrêter pour refaire mes lacets quand je m’en suis rendu compte.
Les Akasha sont quant à elle plus dynamiques, ont une très bonne accroche sur les terrains boueux et sont plus « respirantes ». Seul problème : j’ai le cou de pied assez large et je ne peux pas les lacer correctement, ce qui explique sans doute pourquoi je me tords aussi facilement les chevilles avec elles.
Au ravitaillement du Lioran, j’ai décidé de passer en Akasha pour avoir une meilleure adhérence sur les sentiers boueux et être plus dynamique. Je pense que j’ai fait une erreur. Les sentiers n’étaient pas si boueux que cela ensuite (en dehors du pied du Puy Chavaroche). Par contre, je me suis tordu 2/3 fois la cheville droite et ai passé mon temps à me crisper de peur de me la tordre à nouveau de façon plus grave.
Quelles leçons tirer de tout cela ?
Avec le recul, je ne pense pas être parti trop vite jusqu’au Lioran. J’en veux pour preuve que j’ai continué à bien monter jusqu’à la fin de la course et que je n’ai pas fini épuisé.
Je n’ai peut-être pas assez bien mangé, surtout les jours précédents la course. J’ai grignoté en chemin, à chaque ravitaillement mais je sens qu’il m’a manqué un peu d’énergie. Avant le Trail de Spa cette année, j’avais mangé une bonne pizza la veille et fait un petit -déjeuner très copieux le matin. Cette fois-ci, je me suis contenté de manger « normalement ».
Je pensais m’être mal entrainé mais au final j’ai bien tenu le choc. Bien sur, il est toujours possible de faire mieux. Deux choses m’ont vraiment pénalisé : les ampoules et les descentes. Je mets les ampoules sur le compte d’un manque d’intelligence dans le choix de mon matériel comme expliqué plus haut. On apprend en faisant des erreurs. Mes descentes ont été dramatiques et m’ont épuisé tant moralement que physiquement. Je dois impérativement m’améliorer physiquement (en renforçant ma cheville droite) et techniquement (en améliorant ma foulée en descente).
Et maintenant ?
Je vais me reposer mentalement. Je vis depuis des mois concentré sur l’UTPMA, toujours à l’écoute de mon corps, culpabilisant à chaque sortie manquée et j’avais un peu perdu le plaisir de courir ces dernières semaines.
Je pense donc que je ne vais finalement pas courir l’Infernal Trail des Vosges, les 9 et 10 septembre. Il est sur le papier encore plus dur que l’UTPMA (20 km et 200 m de D+ en plus) et je vais avoir du mal à me re-concentrer et me préparer correctement en à peine 10 semaines, d’autant plus que j’ai 2 semaines de congés et 1 semaine de déplacement professionnel la semaine précédant la course semaines pendant lesquelles je sais que je ne pourrai pas m’entrainer. Je prendrai ma décision définitive à la mi-août .
La SaintéLyon en fin d’année reste toutefois d’actualité pour l’instant et – bien évidemment – la CCC l’année prochaine. 2019 devait être l’année où je tenterais de passer sur la distance UTMB (160 km). Je me laisse encore le temps de réfléchir. Dans la préparation et la participation à l’UTPMA, j’ai tutoyé mes limites.
Conclusion
J’avais ce rêve de courir l’UTPMA depuis plus de 4 ans. Cela a été difficile avant et pendant, beaucoup moins après puisque je me sentais capable de recourir 3 jours après la course. C’est bien évidemment le plus beau trail que j’ai couru jusqu’à présent, mais aussi le plus exigeant, encore plus que le Radicassant. Je ne peux que vous encourager à le courir (ou au moins randonner dans les environs) mais ne le prenez pas à la légère.
1 semaine après, je vis encore sur les endorphines de la course et j’ai surtout retrouvé l’envie de courir. 🙂