Je viens de terminer la lecture du livre suivant :
que vous pouvez acheter ici … si vous en avez toujours envie après mon article. 🙂 A ma connaissance, il n’en existe pas de traduction française.
Jeff Galloway est un gourou de l’entrainement aux États-Unis. Il fut membre de l’équipe olympique américaine du 10.000 m aux Jeux Olympiques de Munich en 1972. Il détient un record personnel au 10km en 28mn29s et a remporté le Marathon d’Honolulu en 1974. Loin d’être un guignol… Après sa carrière sportive, il est devenu propriétaire de magasins de sport et coach sportif. Il possède maintenant une entreprise qui vend conseils, plans et séjours d’entrainements, équipements électroniques, produits diététiques… Il est même organisateur d’un semi-marathon. Une petite entreprise qui a l’air de bien tourner et dont vous trouverez les détails sur son site Web.
Jeff Galloway est plus particulièrement connu pour :
- le Magic Mile, qui permettrait de prévoir mathématiquement votre potentiel du 5 km au marathon à partir de votre temps sur une distance de 1 mile (1,60934 km, soit 4 tours de piste d’athlétisme);
- la méthode Run-Walk-Run (Courir-Marcher-Courir) qui consiste à intégrer dans la course des périodes de marche, ce qui assurerait au final de meilleures performances en limitant le stress de la course.
Jeff Galloway a écrit de nombreux livres sur le running. Je suis tombé par hasard sur son ouvrage dédié (en principe) à la préparation mentale et, comme le sujet m’intéressait, je me suis plongé dedans.
Je vais être franc : je n’ai pas du tout aimé son livre. Visiblement l’auteur n’avait pas ni suffisamment de matière pour en faire un livre complet, ni les compétences pour expliquer scientifiquement les concepts qu’il présente. Du coup, il délaye son propos en répétant les mêmes choses sans cesse, part dans tous les sens (il parle même de diététique) et en profite surtout pour faire la publicité de ses autres livres. En un mot : un livre bor-dé-lique. Mais j’y ai tout de même trouvé quelques informations intéressantes.
Cerveau réflexe et cerveau conscient
Toute l’argumentation du livre est basée sur les interactions entre 2 parties du cerveau humain :
- Le cerveau réflexe (inconscient, reptilien) : c’est la partie ancienne, animale de notre cerveau. L’auteur l’appelle « le singe ». Ce cerveau est le fruit de millions d’années de développement et contrôle la plupart des activités qui nous maintiennent en vie : la respiration, la circulation sanguine… Il commande aussi la sécrétion d’hormones pour équilibrer en permanence le fonctionnement de notre corps;
- Le cerveau conscient : il est situé dans notre lobe frontal, est plus récent dans l’évolution et spécifiquement humain. Il est chargé de résoudre les problèmes plus complexes, de planifier, d’anticiper l’avenir, de définir des stratégies.
Un comportement du cerveau réflexe est assez connu : en situation de danger, il déclenche une décharge d’adrénaline qui a pour effet d’augmenter les battements cardiaques. L’objectif est de déclencher un afflux d’oxygène dans les muscles pour nous préparer à fuir à toutes jambes, comme nos ancêtres devait le faire il y a quelques millions d’années dans la savane africaine pour échapper aux prédateurs.
Moins connu, et c’est l’objet de ce livre, dès que le cerveau réflexe perçoit un stress physique important (chaleur, fatigue, douleur musculaire…), il relâche dans le corps des hormones générant de l’anxiété pour vous forcer à diminuer la source de stress (vous mettre à l’ombre, ralentir la cadence, voire arrêter tout effort). Pire que cela, le cerveau réflexe réduit l’afflux sanguin dans les parties blessées du corps, générant du coup une douleur encore plus forte.
Tout cela part d’un bon sentiment : votre cerveau réflexe prend soin de vous et tente de vous protéger mais les hormones d’anxiété qu’il relâche ont pour effet de tuer votre motivation. Disons-le tout net : le cerveau réflexe est votre ennemi en terme de motivation.
Bonne nouvelle : le cerveau réflexe est aussi capable d’apprentissage. Lorsqu’une nouvelle activité est suffisamment maitrisée pour être réalisée de manière automatique, son contrôle est transféré du cerveau conscient au cerveau réflexe. Exemple type : l’apprentissage du vélo ou de la conduite automobile.
Là est le secret de la préparation mentale : utiliser le cerveau conscient pour
- « débrancher » provisoirement le cerveau réflexe dans les situations difficiles;
- « reprogrammer » durablement le cerveau réflexe.
En un mot : rationaliser.
Quelques outils utiles
J’ai relevé au fil du livre quelques outils, certains que je pratiquais sans même le savoir tel Mr Jourdain.
Outil n°1 – Planifier, planifier et planifier
La première source de stress est de se fixer des objectifs irréalistes en terme de performance ou de volume d’entrainement. Jeff, qui possède un vrai talent pour recycler tous ses livres, propose bien évidemment sa fameuse méthode du Magic Mile pour définir des objectifs de performance raisonnables.
Reste que son analyse est pertinente : se fixer des objectifs irréalistes est source de stress et donc de démotivation. Finalement la phrase « Un objectif doit être fixé avec ambition, et est fait pour être dépassé » résume bien la situation : visez plus haut … mais sans trop de prétention.
Parmi les autres conseils glanés au fil du livre :
- Se concentrer sur un objectif à la fois (la prochaine course par exemple);
- Imaginer les différentes étapes (les séances d’entrainement) qui vont vous conduire à atteindre ce but et « réviser » cette décomposition dans les moments de calme;
- Avoir un but pour chaque séance d’entrainement;
- Avant une course, décomposer le parcours en plusieurs tronçons, imaginer comment vous allez les courir, comment vous allez réagir en cas de difficulté, projeter des images positives de situation semblables où vous avez réalisé de bonnes performances;
- En cas de situation difficile durant une course ou une session d’entrainement, décomposer le parcours restant en petits objectifs atteignables : « encore 1 km », « jusqu’au prochain arbre », « en haut de la côte » et se féliciter à l’atteinte de chacun des ces petits objectifs. Les petites eaux faisant les grandes rivières, vous finirez par arriver au bout.
De ma propre expérience, je confirme qu’il est important d’avoir un objectif de course : c’est cet objectif qui me pousse à me lever pour aller courir le matin, à sortir le midi au lieu de rejoindre des collègues au restaurant, à accumuler des kilomètres. Le plus difficile est de souvent de faire le premier pas. Dès que je n’ai pas une course en perspective, ma motivation pour l’entrainement chute.
Avant une longue course difficile, j’essaye toujours de me définir un plan de marche en me penchant sur le parcours. J’imagine ma moyenne par tronçons, mes temps de pause. De là je déduis mon temps cible. Je ne peux pas dire que cela m’aide pendant la course mais cela m’aide par contre beaucoup avant, en me démontrant que je peux le faire, que je peux être dans les barrières horaires. Je n’utilise pas le plan de marche pendant la course, il est souvent bien éloigné de la réalité mais je tape souvent assez juste sur mon temps final. Par exemple, pour l’Ecotrail de Bruxelles, j’avais prévu 11h00 et j’ai fait 10h30.
Je suis moins convaincu par la stratégie des petits pas en situation difficile, même si je l’ai souvent pratiquée. En fait cela me met encore plus la tête sous l’eau, cela me concentre encore plus sur mon problème de l’instant. Je préfère de loin essayer de penser à autre chose (outil n°4).
Outil n°2 – Les mots « magiques »
Il s’agit de programmer votre cerveau avec certains mots clés (un mécanisme d’auto-hypnose ?). Après une séance d’entrainement ou une course pendant laquelle vous avez surmonté une moment difficile, profitez d’un moment de calme (dans le lit, avant de dormir par exemple) et revivez ce moment en réfléchissant comment vous l’avez surmonté et associez un mot à ces images mentales. Répétez régulièrement le même exercice lors de vos moments de calme, bien évidemment en utilisant à chaque fois les mêmes mots.
Une fois confronté(e) à la même situation difficile, la simple évocation du mot « magique » devrait vous aider à surmonter l’épreuve.
Je n’ai jamais pratiqué cette méthode. Ce n’est pourtant pas les moments difficiles qui me manquent dans ma vie de coureur 🙂
Outil n°3 – Les mantras
Les mantras sont des petites phrases que l’on se répète en boucle. En course vous pouvez :
- vous adresser à vous-même : « tu es en pleine forme », « tu vas y arriver », « c’est juste un mauvais moment à passer »…
- vous adresser à votre cœur, à vos poumons, à vos jambes pour les encourager, comme si c’étaient des personnes.
Je pratique assez couramment l’insulte personnelle comme mantra : « bouge toi, feignasse », « voilà où ça te mène de boire ta bière le week-end »… L’auto-motivation ne marche pas du tout sur moi, je me sens un petit peu ridicule à chaque fois que je le fais. Quant à parler à mon cœur, mes poumons, mes jambes ou toute autre partie de mon individu…
Outil n°4 – Se changer les idées
Encore mieux que le précédent outil, essayer de se changer totalement les idées :
- revenir à la vision qui vous fait courir;
- se distraire des images négatives : parler à un compagnon d’entrainement de course, se focaliser sur son environnement, réfléchir à un nouvel article sur votre blog, écouter de la musique.
En ce qui concerne la vision, j’avoue que je regarde assez souvent des vidéos de l’UTMB et que je revis ces images lors des moments difficiles, cela me donne toujours un coup de boost. Se distraire est aussi un outil important. Sur les courses courtes (< 20 km), c’est plutôt un handicap parce que je perds le rythme. Par contre, sur les courses longues, c’est souverain. C’est pour cela que j’aime courir les grandes distances avec mon frère ou me trouver un compagnon (ou une compagne) sur la route. En s’occupant l’esprit à autre chose, les kilomètres défilent sans que l’on s’en rende compte.
Outil n°5 – Jouer de mauvais tours à votre cerveau réflexe
Quand vous êtes dans une situation difficile sur une course et que votre cerveau réflexe commencer à vous inonder de pensées (et d’hormones) négatives, pensez à des images burlesques pour détourner son attention :
- L’élastique : vous êtes attaché par un élastique au coureur qui vient de vous doubler et celui-ci (celle-ci) vous tire;
- Le réacteur dans votre dos qui vous pousse sans effort;
- Les molécules d’oxygène dans le maillot : vous secouez votre maillot pour libérer des molécules d’oxygène coincées qui viennent vous apporter de l’énergie supplémentaire;
- Le coussin d’air sous les chaussures qui vous permet d’avoir une foulée aérienne.
Je n’ai jamais essayé mais j’avoue que j’ai très envie lors de la prochaine course.
Conclusion
Nous connaissons tous ces moments difficiles où des pensées négatives nous assaillent : « pourquoi je suis là », « j’ai mal aux jambes », « ce n’est pas grave si j’abandonne »… J’en ai parlé dans un précédent article.
Vous saurez maintenant que c’est votre cerveau réflexe qui a pris le dessus : les images négatives sont induites par la décharge d’une hormone d’anxiété. A vous d’essayer de détourner son attention, de l’endormir, de le combattre pour passer ce moment difficile. Vous n’êtes pas un(e) australopithèque, bordel ! Les quelques outils cités au-dessus peuvent peut-être vous aider.
Si le livre de Jeff Galloway ne m’a pas du tout plu, il m’a donné envie d’une part d’essayer certains outils, d’autre part d’essayer de creuser le sujet. Suite dans les prochains posts…